Peine et utopie | Actes du Colloque de Nice. Représentations de la sanction dans les oeuvres utopiques. | Champs et contre-champs de la peine en utopie
De quoi l'utopie est-elle la connaissance ? Peine, règle et langage (autour d'Orwell)
Résumé :
International audience
What are we supposed to learn from utopian/dystopian fiction – beyond the obvious fact that the state of the world could be better, or worse ? What can these fables tell us about criminal penalty as a concept and as practice ? Conversely, what can punishment tell us of the limits of utopia as a tale and as discourse ?By stressing 1984's explicit references to the meticulous elimination of anything vaguely resembling a rule, while putting the novel in the perspective of Orwell's social and colonial experience of penal injustice, this paper shows that interpretations of Orwell inspired by the likes of Rorty, Foucault or Deleuze, which are grounded on power, discipline or control, somehow miss their target. No mere “satire” nor “prophecy”, nor even “thought experiment”, 1984 expresses the deep-seated grammar of our liberal conception of penal law, as Wittgenstein would put it. While Orwell aims in no way to dismiss utopia as intrinsically dangerous, 1984 however shows that the element of perfection it contains cannot be grasped by law. In this respect, the “Last Utopia” of human rights (S. Moyn) is certainly not one.
Que les récits utopiques et contre-utopiques sont-ils censés nous apprendre que nous ne sachions déjà – que l'état du monde pourrait être meilleur, ou pire, qu'il n'est ? Qu'ont-ils à nous dire de la sanction pénale, comme concept et comme pratique, et que celle-ci nous apprend-elle en retour des limites de l'utopie comme récit et comme discours ?En mettant l'accent sur les références explicites, dans 1984, à la suppression systématique de tout ce qui pourrait ressembler à une règle, et en resituant le roman dans le contexte social et colonial de l'expérience orwellienne de l'injustice pénale, cet article montre que les lectures d'Orwell inspirées de Rorty, Foucault et Deleuze, et centrées sur les notions de pouvoir, de discipline et de contrôle, manquent en partie leur objet. Ni simple « satire », ni « prophétie », ni « expérience de pensée », 1984 exprime la grammaire profonde de notre conception libérale du droit pénal, comme le dirait Wittgenstein. S'il n'est jamais question pour Orwell de dénoncer l'utopie comme intrinsèquement dangereuse, 1984 révèle toutefois qu'il est impossible d'en saisir l'élément de perfection par le droit. En ce sens, la « dernière utopie » des droits humains (S. Moyn) n'en est pas une.
Date de publication : 2017-12-07
Citer ce document
Kevin Ladd, « De quoi l'utopie est-elle la connaissance ? Peine, règle et langage (autour d'Orwell) », Peine et utopie, 2017-12-07. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01961312