Narcisse traducteur ? Sur une joie technique à l’égard des fragments présocratiques
Résumé :
International audience
Le fragment est tenu, culturellement, pour le régime quasi ontologique de la pensée naissante bien qu’il soit, esthétiquement, une invention romantique, et, historiquement, l’expression seulement résiduelle d’une littérature. La réception et les traductions d’Héraclite, cas extrême de fragmentation parmi ceux qu’on nomme les Présocratiques, permet de mesurer l’ampleur de l’aubaine que constitue un texte désintégré (troué ou fragmentaire), qui s’offre à la cristallisation réjouissante du lecteur. Le traducteur profite ici de la situation, même si sa jouissance est précédée par le vertige de l’herméneute, qui a les coudées franches, carte en partie blanche pour se mirer. Amoureusement le traducteur s’empare d’une œuvre objectivement émiettée et trouée, qu’il fantasme et décrète parfaite, jusqu’au débordement et entretient ainsi de son ardeur interprétative. L’inflation exégétique que connaît l’œuvre d’Héraclite conduit à douter parfois, non de l’attention généreuse du passeur qu’est le traducteur, mais de la maîtrise – qu’on aimerait lui reconnaître – de sa passion herméneutique.
Date de publication : 2010-06-15
Citer ce document
Arnaud Zucker, « Narcisse traducteur ? Sur une joie technique à l’égard des fragments présocratiques », Loxias, 2010-06-15. URL : https://hal.science/hal-04556648