Le chant de la folie à l'opéra
Résumé :
National audience
Si les premiers « fous » de l’opéra de l’âge baroque, tel Roland, manifestent leur folie essentiellement par la fureur et sont donc pour les compositeurs le prétexte à des discours musicaux extrêmement dynamiques et remplis d’originalités, la folie reste alors surtout spectaculaire. Au XVIIIe s. elle se teinte d’une sensibilité qui correspond à l’émergence des grandes figures féminines dont le délire va, au début du romantisme, se fixer – si ce n’est se stéréotyper – avec des scènes dévolues à un soprano dont la virtuosité du chant traduit l’errance de la raison. Au XIXe s. cette virtuosité est dépassée voire sublimée, le théâtre prend la première place (Macbetto, Otello de Verdi) et la stylisation s’efface au profit du réalisme : la voix rauque ou « suffoquée », le parlando voire le cri sont réclamés par les compositeurs. Parallèlement, l’orchestre prend un part importante dans la caractérisation de la folie, que ce soit à travers la présence d’un instrument étrange (l’harmonica de verres dans Lucia di Lammermoor) ou par la force de sa présence et de son discours (par exemple chez Moussorgsky). Au XXe s. si certains compositeurs distillent un sentiment d’étrangeté dans l’évocation de la déraison, tel Britten faisant chanter, dans Curlew River, sa Mad woman par un homme, la folie s’illustre avec un réalisme toujours plus prégnant si ce n’est violent, tant au niveau du chant que de l’orchestre (Elektra de Strauss, Erwartung de Schönberg ou Nouvelles Aventures de Ligeti). Le compositeur cherche alors moins à attendrir le spectateur par la stylisation (démodée et faisant parfois l’objet d’une caricature comme dans A Midsummer night’s dream de Britten) qu’à l’ébranler grâce au réalisme des situations et de l’expression.
Date de publication : 2008-03
Citer ce document
Pierre Emmanuel Lephay, « Le chant de la folie à l'opéra », Revue française de musicothérapie, 2008-03. URL : https://hal.science/hal-03433359