Les horizons de César Campinchi (1882-1941). Un aperçu des lieux et des luttes de pouvoir autour d’un représentant de l’élite française des années trente.
Abstract :
International audience
Le thème général des « circulations » et de leurs « conditions » offre une approche intéressante quand on étudie le parcours politique d’un avocat et homme politique tel que César Campinchi (1882-1941). Avocat médiatique, député de la Corse et personnalité radicale-socialiste dans l’entre-deux-guerres, l’envergure nationale et internationale qu’il acquiert reste fondée sur un ancrage local. On peut mesurer l’influence d’un homme aux « circulations » qu’il incarne ou qu’il anime à travers ses combats personnels et publics. En termes de circulation humaine et sociale, voici d’abord l’ascension d’un homme issu d’une famille modeste, paysanne, né en Corse, qui parvient grâce à de brillantes études à devenir un personnage central du monde du droit et de celui de la politique à Paris, une « élite » dont le parcours migratoire et social (il épouse en 1925, la fille d’Adolphe Landry, député, ministre, chef de la gauche en Corse) lui ouvre les chemins de la réussite professionnelle et de la notabilité, conditions d’une carrière politique réussie. En termes de circulation économique et politique, l’engagement de César Campinchi montre à quel point les luttes de pouvoir sont variées, imbriquées et jouées à différentes échelles. Un aperçu peut nous en être donné par l’enjeu particulier qu’a représenté, pour les personnalités politiques et les clans auxquelles elles appartenaient, le contrôle de la presse d’opinion, si importante pour faire circuler les idées, médiatiser, faire campagne et discréditer l’adversaire. Deux moments sont choisis pour l’illustrer : un procès médiatique d’abord, à travers l’affaire de L’Ami du Peuple, journal d’extrême droite presque gratuit appartenant à François Coty (1874-1934), propriétaire aussi du Figaro, et que César Campinchi, avocat, tente de faire interdire, au nom d’une certaine conception de la liberté de la presse et pour affaiblir un adversaire politique du « clan » qu’il a rejoint, le clan Landry ; puis l’affaire de « l’infâme campagne », comme la qualifie un quotidien qui œuvre pour Campinchi, Le Petit Bastiais, lorsqu’une série d’accusations est lancée contre le dynamique ministre de la Marine qu’il est devenu en 1937. L’attaque, fondée sur une rumeur, est portée par plusieurs journaux qui tous soutiennent plus ou moins directement le chef de la droite en Corse et le principal adversaire d’Adolphe Landry : François Piétri (1882-1966). Il s’agit de Marseille Matin d’abord, propriété de l’armateur Jean Fraissinet, ancien maire d’Ajaccio et adversaire malheureux d’Adolphe Landry aux législatives en 1936, de Gringoire, l’influente publication parisienne d’Horace de Carbuccia (1891-1975), ancien député d’Ajaccio, et surtout, localement, de Bastia Journal, quotidien ouvertement « piétriste ». On y voit une affaire « corso-corse » prendre de graves proportions sur la scène internationale quand les organes de propagande fasciste italiens s’en saisissent à leur tour. Cet homme engagé qu’est César Campinchi, cet homme « en mouvement » par ses multiples combats, toujours ministre et fermement opposé à l’idée de tout armistice en 1940, c’est le Régime de Vichy qui « l’immobilise » et le « neutralise » : éloigné de la Chambre dès juin puis placé en résidence surveillée à Marseille, il y décède en février 1941.
Published : 2023-02-17
Citation
Les horizons de César Campinchi (1882-1941). Un aperçu des lieux et des luttes de pouvoir autour d’un représentant de l’élite française des années trente., 2023-02-17. URL : https://hal.science/hal-04611287