Méthode historique et géopolitique maurrassiennes
Résumé :
International audience
Tout au long de sa vie politique, Charles Maurras s’est efforcé de convertir les esprits à la monarchie pour sauver la France d’un destin qu’il imaginait funeste sous le régime de la Troisième République. Au service de son combat politique et culturel, il a développé une doctrine, le « nationalisme intégral », et une approche méthodologique, l’« empirisme organisateur ». Celle-ci repose sur l’idée que la société humaine, en tant que Cité, est régie par des « lois naturelles », accessibles à la science politique. Pour Maurras, la politique, ordonnée à l’intérêt national, est à la fois un art et une science. L’« empirisme organisateur » dépend de la connaissance de ces « lois naturelles ». L’homme doit les comprendre et s’y soumettre pour garantir sa propre survie. Maurras préconise donc l’étude de l’histoire afin de découvrir ces lois, considérant l’histoire comme un laboratoire d’expérience où ces lois sont manifestes. Cependant, les identifier dans la confusion des événements historiques est un défi. Parmi les membres de l’Action française, Jacques Bainville s’est distingué dans l’application de la pensée maurrassienne à l’analyse des relations internationales, fournissant une praxis quotidienne à l’« empirisme organisateur ».Auparavant, Maurras avait déjà exploré les sentiers de la politique étrangère dans un essai publié en 1910, Kiel et Tanger, dont l’ambition était de démontrer l’inaptitude du régime républicain à mener une diplomatie de grand style. Contrairement à l’ancienne monarchie, la République, que Maurras croit soumise à « l’instant » et aux influences étrangères, ne peut déployer de politique dans le temps long. Aussi est-ce dans la politique traditionnelle des monarques capétiens que l’Action française prétend trouver les clefs d’un « empirisme organisateur » en acte. Il ne manquait alors à la chose que le nom. L’« empirisme organisateur », en s’appuyant sur le passé, est tourné vers l’avenir, ajustant un savoir historique soigneusement choisi à un cadre géographique déterminant pour étayer une géopolitique originale. Cette géopolitique se veut à la fois française et réaliste. Elle bannit toute intrusion de la morale ou de l’idéalisme dans l’évaluation des faits. Son objectif est seulement de défendre l’intérêt de la France, lui-même lié à certaine conception de la « civilisation » telle que Maurras l’a définie dans Anthinéa. Dans cette perspective, l’histoire est appréciée pour ses vertus didactiques, comme un instrument tourné vers l’action. L’histoire savante ou érudite n’intéresse guère Maurras. Avant toute chose, l’histoire doit offrir des leçons qui orientent la politique présente et même future. À l’instar d’une boussole, l’« empirisme organisateur » est censé guider les hommes dans le tumulte de l’histoire, dégageant des « constantes » historiques et des repères pour naviguer dans les méandres de la politique nationale et internationale. En scrutant les événements passés, Maurras et Bainville entendent dévoiler les principes qui gouvernent les destinées des nations. Ils ont mis néanmoins de la passion et même une certaine idéologie dans l’accomplissement de leur ouvrage.
Date de publication : 2023-02-17
Citer ce document
Méthode historique et géopolitique maurrassiennes, 2023-02-17. URL : https://hal.science/hal-04611311