Cycnos | Volume 31.1 - Love's Labour's Lost de Shakespeare ou l'art de séduire | III. Le pouvoir dans tous ses états
La guerre des sexes dans Love's Labour's Lost
Résumé :
International audience
In Love’s Labour’s Lost, men and women are as strongly opposed as enemies in a war: they form two sides, two symmetrical teams that arecomposed of an equal number of members (four) and conform to the same political and social order. As was customary in Petrarchan andNeopetrarchan poetry, Shakespeare portrays love as a hunt and a war, but these metaphors seem to take over the meaning they are supposed toconvey and prevent, rather than facilitate, the expression of any feelings.Through a consistent inversion of traditional gender roles, Shakespearealso seems to suggest a gendered definition of identity which would pit men against women. However, the open ending of the play, together withthe lack of cross-dressing in the play’s pastoral setting, cast doubt as to the validity of any structuring principle, any consistent epistemologicalorder. Are there any winners in this war of the sexes?
Love's Labour's Lost est, avec The Taming of the Shrew et Much Ado About Nothing, l'une des pièces de Shakespeare qui oppose de manière la plus tranchée le camp des hommes et le camp des femmes. D'un côté les seigneurs de Navarre, de l'autre les dames de France, forment deux cercles symétriques composés du même nombre de membres (quatre) et obéissant au même système politique. Cette confrontation promet de devenir un quadrille amoureux dans le dénouement attendu de la comédie. Mais avant d'y parvenir, la scène ressemblera fort à un champ de bataille dans lequel les personnages manient en guise d'armes les canons de la poésie néopétrarquiste. Dans cette esthétique héritée de Pétrarque adaptée en Angleterre notamment par Spenser et Sidney, et bien sûr par Shakespeare lui-même, l'amour peut être une chasse ou un combat, et la maîtresse tuer l'amant par les rayons meurtriers que lancent ses yeux-autant d'images que l'on retrouve dans Love's Labour's Lost. Mais dans l'essentiel de la pièce (avant que les seigneurs ne baissent les armes pour déclarer aux dames un amour dépourvu de jeux d'esprit, après l'arrivée de Marcadé), le comparant l'emporte sur le comparé : la violence des images guerrières et des joutes verbales est telle qu'elles semblent être pratiquées pour ellesmêmes ; le jeu d'amour n'est plus qu'un jeu, semble-t-il, dépourvu de finalité. La pièce présente une guerre des sexes sans pitié. L'absence de mariages qui rétabliraient l'harmonie sociale, mais aussi l'absence de travestissement dans une pièce qui a pourtant recours à de multiples déguisements, invitent à se demander si Shakespeare n'oppose pas dans cette pièce une « nature » féminine et une « nature » masculine. Reprenant à son compte, de manière paradoxale, les images de la poésie néopétrarquiste, la pièce propose une inversion des codes genrés entre hommes retranchés dans l'étude et femmes conquérantes, jusqu'à éventuellement proposer une définition genrée de l'identité.
Date de publication : 2015
Citer ce document
Aurélie Griffin, « La guerre des sexes dans Love's Labour's Lost », Cycnos, 2015. URL : https://hal.science/hal-03134451