Plaidoyer pour un roi mécanique

Nicolas De Condorcet

Résumé :
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Des avantages politiques considérables que représenterait lafabrication d’un roi mécanique.LETTRE D’UN JEUNE MECANICIEN AUX AUTEURS DU REPUBLICAIN,16 juillet 1791.Messieurs,Un jeune homme, à qui on donne six livres par feuille pour travailleraux bons numéros de L’Ami des patriotes, disait hier, au café, que cesscélérats de républicains allumeraient infailliblement la guerrecivile, si le zèle prudent des honnêtes amis de la liste civile neparvenait à sauver la monarchie. Comme j’aime beaucoup la paix,ces discours m’ont empêché de dormir ; mais j’ai été assez heureuxpour trouver un moyen de concilier tous les partis.J’ai étudié la mécanique sous Vaucanson, sous l’abbé Mical, auteurdes têtes parlantes, même sous le baron de Kempel, qui a fait lejoueur d’échecs, et je puis promettre de faire sous quinze jours, aucomité de constitution, un roi avec sa famille royale et toute sa cour.Mon roi ira à la messe, se mettra à genoux dans les momentsconvenables. Il fera ses pâques suivant le rite national, et on aurasoin de faire en sorte que cette partie de la mécanique royale, demême que celle du grand aumônier, se détachent, afin de pouvoiren substituer une autre, dans le cas d’un changement de religion. Ilsoutiendra aussi bien qu’un autre roi, une conversation avec sesgrands officiers. Un chambellan automate lui présentera sa chemise,un grand maître de la garde-robe lui mettra le col. Mon roisanctionnera les décrets à la pluralité des voix de son conseil ; ilsignera les ordres que ses ministres lui présenteront. Si l’on décidequ’il est de l’essence de la monarchie qu’un roi choisisse et renvoieses ministres, comme on sait qu’en suivant la saine politique, il doittoujours se déterminer d’après le voeu du parti qui a la majorité dansla législature, et que le président en est un des chefs, il est aiséd’imaginer une mécanique au moyen de laquelle le roi recevra laliste des ministres de la main du président de la quinzaine, avec unair de tête plein de grâce et de majesté.Si quelqu’un doutait de la possibilité de cette machine, il n’auraitqu’à supposer Madame de Maintenon à la place du président, et lecordon qui fait jouer l’automate royal, attaché d’une manière un peudifférente : alors il aurait l’histoire des trente dernières années durègne glorieux de Louis XIV.Pour que la cour fût un peu brillante, il ne faudrait qu’environ deuxmillions de dépense première ; on aurait difficilement à moins deuxcents personnage de grandeur naturelle. L’entretien coûteraitenviron cent mille livres par an, ainsi la liste civile n’en passerait pasdeux cent mille. C’est marché donné, et chaque Français ne payeraitqu’environ un demi-denier par année pour le bonheur d’avoir unroi.Il existe depuis longtemps, chez plusieurs nations, des roishéréditaires ; qu’on en lise l’histoire, et qu’on ose dire ensuitequ’elles n’auraient pas beaucoup gagné à suivre ma méthode. Monroi ne serait pas dangereux pour la liberté, et cependant, en leréparant avec soin, il serait éternel, ce qui est encore plus beau qued’être héréditaire. On pourrait même le déclarer inviolable sansinjustice, et le dire infaillible sans absurdité.
Date de publication : 2024-02
Type de document : Article dans une revue
Affiliation : Académie des sciences [Paris, France]
Source : hal-04434194

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Nicolas De Condorcet, « Plaidoyer pour un roi mécanique », Alliage, 2024-02. URL : https://hal.science/hal-04434194