Audre Lorde et bell hooks… la voix(e) poétique et biomythographique

Nassira Hedjerassi

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Résumé :
International audience
« j’écris ma vie et je vis mon oeuvre » (Audre Lorde, I am your sister: Collected and Unpublished Writings of Audre Lorde, p.156). Pour mettre en lumière comment Audre Lorde a construit et pensé l’action militante féministe, je propose un dialogue avec bell hooks, pour qui Audre Lorde a constitué une source d’inspiration pour son oeuvre poétique, pour son militantisme et féminisme. Écrire de la poésie s’impose pour l’une comme pour l’autre de manière vitale et de manière précoce dans leurs parcours biographiques. La poésie est le refuge, l’espace des possibles, notamment de l’invention et réinvention de soi, elles qui se vivent comme des outsiders. Écrire, c’est pour l’une comme pour l’autre donner voix à toutes ces femmes noires silenciées par la société étatsunienne, par l’académie, par les féminismes. Audre Lorde dit écrire « pour ces femmes qui ne parlent pas, qui n’ont pas de verbalisation car elles, nous, sommes si terrifiées, parce qu’on a été socialisées pour respecter plus la peur que nous-mêmes » (I Am Your Sister : Collected and Unpublished Writings of Audre Lorde, p. 161). bell hooks se lance à 19 ans dans la recherche de ces voix recouvertes, tues, ce qui donnera lieu à son premier essai Ain't I a Woman: Black Women and Feminism (1981). Écrire, c’est faire communauté/lien par les mots (ce que bell hooks qualifie de solidarité politique, Feminist Theory: From Margin to Center.) plutôt que le crédo féministe, les faux-semblants de la sororité clamée par les féministes étatsuniennes, masquant les intérêts de classe et de race des femmes blanches. Écrire, c’est faire entendre non seulement les voix oubliées, silenciées, mais aussi les expériences et savoirs autres, non reconnus académiquement, des savoirs guérisseurs. S’écrire… inventer ses propres mythologies, c’est la voix(e) biomythographique créée par Audre Lorde (Zami. A New Spelling of my Name. A Biomythography / Zami : Une nouvelle façon d’écrire mon nom) et suivie par bell hooks (Bone Black: Memories of Girlhood, Wounds of Passion: a Writing Life), inspirée également par sa grand-mère maternelle Saru, qui tout en pratiquant l’art du quilt, tissait des mots pour raconter des histoires. L’en-jeu pour l’une comme pour l’autre, par l’écriture notamment poétique, re-naître, s’inventer, gagner en agentivité, s’empouvoirer et participer à empouvoirer (empower) les autres femmes. Leur source sont des ancêtres féminines : pour l’une de l’île de Carriacou, pour l’autre de son Kentucky, notamment Rosa Bell. Elles leur inspirent leurs nouveaux noms et leur choix, l’une de s’installer sur l’île Ste-Croix, l’autre de démissionner de son poste universitaire pour retourner dans les Appalaches de son enfance, qu’elle célèbre dans ses Élégies (2012).
Date de publication : 2023-04-27
Type de document : Communication dans un congrès
Affiliation : Laboratoire d'Etudes de Genre et de Sexualité (LEGS) ; Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8)-Université Paris Nanterre (UPN)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)

Citer ce document

Nassira Hedjerassi, « Audre Lorde et bell hooks… la voix(e) poétique et biomythographique », Audre Lorde, 2023-04-27. URL : https://hal.science/hal-04075436