Je comme sujet : l'introspection dans la littérature espagnole contemporaine de femmes

Christine Di Benedetto

Résumé :
National audience
Dans notre société post-moderne, les écritures du « je » se multiplient, mais il est une certaine confusion théorique qui règne dans le champ des écrits à la 1° personne, aux frontières elles- mêmes floues. Le "je" se constitue comme une zone « mixte », très propice à la création littéraire. Cet article s'intéresse à la question du sujet en littérature pour border celles de l’écriture de l’intime et de l’introspection dans différentes modalités. Dans le texte, il peut être sujet verbal, renvoyer au locuteur ou au narrateur, mais il également être donné à voir dans le récit à la 3° personne. A la question de la voix narrative, s'ajoute celle de la focalisation. Qui parle et qui regarde quand "Soi" est objet? Dans une littérature de femmes en pleine expansion dans Espagne post-franquiste, souvent marquée par des clichés et volontiers qualifiée d'intimiste, on pourra dégager des tendances qui relèvent d'une vision du monde et d'un rapport au sujet. Allant parfois jusqu'à une écriture rebelle, revendiquant une existence sexuelle, voire érotique, parfois subversive dans un rejet des structures existantes, on trouvera systématiquement des mouvements d’observation, protestation, déconstruction, affirmation du sujet. En effet, dans le contexte de la promotion des nouvelles valeurs de l’individualisme, vie privée, quotidienne, interpersonnelle limitée et vie psychique occupent le devant de la scène. Dans ces processus de narration de l’intime, la volonté d’analyse se traduit par la concentration de la perspective narrative sur la trame biographique des protagonistes et la réflexivité du texte romanesque. Le mouvement de subjectivisation, allant de la cure psychanalytique à l'exercice exigeant de l'introspection, ne tourne pourtant pas le dos au monde réel, il tente de cerner une vérité du sujet, manifestée par la pensée, la parole intérieure ou la sensation. Avec des exemples extraits des œuvres de Lourdes Ortiz, Esther Tusquets, Almudena Grandes, Lucía Etxebarria, Belén Gopegui, Carmen Martín Gaite, Soledad Puértolas ou Luisa Castro, il apparaît que les enjeux se trouvent moins sur le contenu, ce qui est énoncé, que sur l’énonciation elle-même. Au niveau de l’expression, la langue parlée, informelle, devient très importante, le non-énoncé, le blanc, le silence qui insinue, permettent de procéder à une approche de l’intériorité comme forme. L’introspection, par définition acte de singularité, s’insère également dans un processus de modélisation. Du Je comme sujet, fermé, on aboutit à un je comme point de vision sur le monde, à partir d’une quête sur soi et d’une vision relative sur ce monde. La vision intériorisée du passé personnel, de l’histoire espagnole, du présent et des potentialités, place cette littérature loin du caractère de « convivialité molle » qu’on a pu lui reprocher.
Date de publication : 2010-09
Type de document : Article dans une revue
Affiliation : Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures et Sociétés (LIRCES) ; Université Nice Sophia Antipolis (... - 2019) (UNS) ; COMUE Université Côte d'Azur (2015-2019) (COMUE UCA)-COMUE Université Côte d'Azur (2015-2019) (COMUE UCA)-Université Côte d'Azur (UCA)
Source : hal-03649216

Citer ce document

Christine Di Benedetto, « Je comme sujet : l'introspection dans la littérature espagnole contemporaine de femmes », Oxymoron, 2010-09. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03649216