Actes éducatifs et de soins | Actes du colloque international | Plénière 3 : Les pratiques éducatives en urgence sociale
Du passant ordinaire au travailleur social : difficultés et exigences du don dans la rencontre avec les personnes à la rue
Titre alternatif :
Du passant ordinaire au travailleur social : difficultés et exigences du don dans la rencontre avec les personnes à la rue: Aller vers les sans-abri
Résumé :
International audience
Il est aujourd’hui commun de décrire les rapports entre citadins sous les traits de « l’indifférence civile », qui jouxte à bien des égards, politiquement, l’apathie, et moralement, l’incurie. Si l’on renverse ce paradigme commun d’analyse, qui fait de l’indifférence l’état par défaut, et de l’intérêt porté à autrui le produit d’un effort toujours coûteux, on découvre les difficultés que rencontrent les meilleures intentions elles-mêmes pour se manifester. Dans le rapport aux sans-abri, l’enquête montre que c’est souvent une impossibilité de manifester le souci de l’autre et de la situation d’une manière juste, digne et faisable (et un sentiment corrélatif d’impuissance) qui conduisent à un repli sur l’indifférence, plutôt qu’une absence de concernement. La comparaison des conditions de la rencontre avec des sans-abri, pour de simples passants d’une part, et pour des travailleurs sociaux du Samu social d’autre part, met au jour l’importance cruciale des appuis pragmatiques du don, qui manquent aux premiers et dont jouissent les seconds, dans la possibilité même de son déploiement. L’institution y apparaît comme la médiation indispensable du souci d’autrui, en prenant en charge la justification du geste initial d’ouverture et simultanément, la nécessité (paradoxale) de clôture du don (requalifié en secours). Mais cette façon de borner ainsi les exigences du don, pour le rendre matériellement et moralement faisable, comporte son revers : les intervenants sociaux délèguent de manière parfois douloureuse l’appréciation (et la re-constitution) du sens moral de leur activité à l’échelon institutionnel dont ils ne sont que des maillons (voués à produire des gestes tronqués, découpés en séquence, rognés en inconditionnalité). Cette dimension indissociablement pratique et morale de l’activité des travailleurs sociaux mérite d’être prise en compte dans l’organisation du travail et dans les analyses de la souffrance au travail (les demandes de formation en sont une manifestation indirecte, où la soif est grande, d’échanges et de temps permettant la recomposition d’une unité de l’expérience). On ne peut la renvoyer aux seules dimensions psychologiques de fragilité émotionnelle, ou de compétences en termes de « réglage de la distance ».
Date de publication : 2009-06-04
Citer ce document
Gayet-Viaud Carole, « Du passant ordinaire au travailleur social : difficultés et exigences du don dans la rencontre avec les personnes à la rue », Actes éducatifs et de soins, 2009-06-04. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03425281