
Loxias-Colloques | 18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance ?
18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance ?
Sous la direction de Véronique Montagne et Anna Carlstedt
Colloque international des 11-12 octobre 2019, Nice, Université Côte d'Azur, MSHS-SE
Depuis 1996, chaque année, l’ONU organise une Journée internationale de la tolérance. En 2015, dans un contexte particulier qui est celui où la France a subi des attaques terroristes, le Traité sur la tolérance de Voltaire a manifestement connu un véritable regain d’intérêt. La progression remarquable des ventes de ce texte, signalée par ses éditeurs, comme l’existence de cette Journée internationale attestent des interrogations (politiques, religieuses, sociales, juridiques, éducatives…) qui sont celles de nos contemporains sur la définition de la « tolérance » et donc la compréhension de cette notion. Or le Manuel éducatif « La tolérance, porte ouverte sur la paix » - qui est une pièce importante dans l’éducation à la tolérance préconisée par les Nations Unies - fait état « des définitions capricieuses et variables » de ce terme, dont les contours changent - par exemple - selon les langues.
Cette (relative) instabilité dans la définition du mot, qui fait que d’aucuns parlent de « vacillations du concept », est également sensible pour une même sphère linguistique, en l’occurrence la langue vernaculaire, tant en synchronie qu’en diachronie. À partir de l’étymon tolerantia, désignant en latin classique une « constance à supporter », une « endurance », le Trésor de la Langue française identifie ainsi deux sens principaux au mot « tolérance », l’un orienté vers une polarité axiologiquement négative, le terme désignant alors une forme d’indulgence coupable, de laxisme dommageable ; dans l’autre sens, le mot désigne une « disposition à admettre chez les autres une manière d’être, de penser, d’agir différente de la sienne ». La première attestation de ce dernier sens date significativement de 1567, c’est-à-dire d’une époque où la France traverse la longue et douloureuse période des guerres de religion, ce qui s’accompagne évidemment de réflexions politico-religieuses sur un hypothétique « vivre ensemble ». Dans son Histoire européenne de la tolérance (XVIe-XXe siècles), Thierry Wanegfellen nuance le sens du terme et précise que la tolérance désigne alors plutôt l’« acceptation d’un mal qu’on ne peut pas empêcher », ce qui rappelle l’étymologie du mot et dit assez combien la compréhension de la notion est liée à son contexte, varie selon les époques et engage des postures énonciatives différentes. C’est donc à une véritable interrogation sur la définition de ce mot, sur les emplois qui en sont faits, leur portée pragmatique et, naturellement, sur la posture énonciative que ce principe (et l’utilisation de celui-ci) requiert que les chercheurs (d’horizons divers) sont ici invités. Le but de cette réflexion pluridisciplinaire, qui constitue un véritable enjeu sociétal, est de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents au choix ou au refus de la tolérance, de circonscrire des zones de résistance où les valeurs prônées par un groupe empêchent l’intégration des altérités ou, a contrario, d’identifier les espaces, les choix, les positionnements qui rendent possible cette intégration.
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Le projet TOLERANCE(S) (voir lien) soutenu par la MSHS-Sud Est (axe 3 : « Mondialisations, Circulations, Altérités », associe les quatre laboratoires de l'Université Côte d'Azur:BCL(axe «Approches pragma-énonciatives de la définition» de l’équipe « Linguistique de l’énonciation», CMMC, CTEL (thème 3 : «Écritures de la singularité et de l’altérité»), URMIS. Il se décline en quatre temps, dont la Journée d'études, qui a eu lieu à Nice, le28 juin 2019, est le premier volet : les actes de cette Journée constituent le numéro « Regards croisés sur la Tolérance » (voir lien).
Les communications rassemblées dans le présent numéros concernent les deuxième et troisième étapes de ce projet, à savoir : d’une part, le colloque international et pluridisciplinaire(organisé à l'Université Côte d'Azur les 11-12 octobre 2019 (MSHS-Sud Est : Tolérance(s): comment définir la tolérance?) (voir lien) ,qui réunissait des chercheurs de toutes origines, en particulier de l'Université de Stockholm et l’Université Sorbonne-Paris ; d’autre part, une journée d'études, qui s’est tenue à Paris, en décembre 2019, et qui associait le laboratoire BCL, l’Atelier Renaissance de l’Université Sorbonne-Paris et l’Université de Stockholm autour de la notion de tolérance telle qu’elle a été pensée aux XVIe et XVIIe siècles).
Porteurs du projet: Véronique MONTAGNE (Université Côte d'Azur, BCL), Anne BROGINI (Université Côte d'Azur, CMMC), Odile GANNIER (Université Côte d'Azur, CTEL), Yvan GASTAUT (Université Côte d'Azur, URMIS), Anna CARLSTEDT (Université de Stockholm), Anne-Pascale POUEY-MOUNOU (Atelier XVIe siècle, Sorbonne-Université).
11 octobre 2021
Anna Carlstedt : “Paroles de tolérance” – stratagèmes poético-subversifs face aux controverses religieuses du XVIe siècle (ou comment relire Agrippa et Ronsard en Syrie)Conference papers
Daniel Ménager : L’ambassadeur doit-il être tolérant ?Conference papers
Gilbert Schrenck : Victor-Palma Cayet, Agrippa d’Aubigné et de Pierre de L’Estoile : regards croisés sur le projet de réunion des religions (1593-1610)Conference papers
Aude-Sophie Dulat-Gravier : Intolérance(s) et tolérance(s) dans la pensée d’Ambroise de MilanConference papers
Fabrice Wendling : La tolérance, négation de la foi en la vérité ? Réflexions autour du De pace fidei (1453) et de la Cribatio Alkorani (1461) de Nicolas de Cues (1401-1464)Conference papers
Sophie Yvert-Hamon : Vérité et tolérance dans la pensée de Philippe Duplessis-MornayConference papers
Ullrich Langer : Une rhétorique tolérante au XVIe siècle ? Modes d’exhortation chez Sébastien Castellion (Conseil à la France désolée)Conference papers
Mathilde Bernard : Le refus du jugement chez Sébastien Castellion : une nécessaire et chrétienne humilitéConference papers
Anders Bengtsson : La tolérance par les mots — une étude quantitative sur les œuvres d’Agrippa d’Aubigné et de Michel de MontaigneConference papers
Alexandre Goderniaux : Le « voile commun à tous meschans ». La justification de l’intolérance par la rhétorique du dévoilement dans la polémique catholique (France et Pays-Bas habsbourgeois, 1580–1594)Conference papers
Philippe-Alexandre Gonçalves : Intolérance côté scène, tolérance côté rue : le regard de Gil Vicente sur les JuifsJournal articles
Ruxandra Vulcan : Pierre Viret et la toléranceConference papers
Bernd Renner : La tolérance en temps de guerre : entre satire et polémiqueConference papers
Philippe Audegean : Tolérance religieuse et tolérance pénale au siècle des LumièresConference papers
Erwan Sommerer : Le libéralisme tolère-t-il ses ennemis ? Groupes illibéraux, citoyens déraisonnables et pluralisme agonistique : portée et limites de la tolérance libéraleConference papers
Camille Bouzereau : Usage(s) et contexte(s) du terme tolérance : étude diachronique sur deux campagnes présidentielles (2007-2017)Conference papers
Samantha Pratali : La « tolérance » de la prostitution de 1791 à 1946, un système inclusif et marginalisant : le cas des Bouches-du-RhôneConference papers
Carin Franzén : Sur « l’impossibilité de nostre chair » – une réflexion sur la tolérance dans L’HeptaméronConference papers
Thomas Diette : Résistance et acceptation dans Soumission de Michel Houellebecq, des combats sur fond de décadentismeConference papers
Naoufal El Bakali : La tolérance comme discours de l’ineffable dans Le Racisme expliqué à ma fille de Tahar Ben JellounConference papers
Thomas Diette : Résistance et acceptation dans Soumission de Michel Houellebecq, des combats sur fond de décadentismeConference papers