Les bornages du territorium de Marseille (1275-1294) : une territorialisation née de l’émergence d’un nouvel équilibre entre la tutelle comtale et l’autonomie municipale.

Pierre VEY

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Titre alternatif :
Bounding the territorium of Marseille (1275-1294) : territorialisation as a consequence of a new balance of powers between countal authority and urban autonomy.
Résumé :
Entre 1275 et 1294, quatre bornages successifs furent réalisés pour délimiter le territorium de Marseille, sur la demande du conseil de la ville basse, en butte aux empiètements supposés des seigneurs alentours qui menaçaient le privilège du vin dont jouissaient les producteurs viticoles locaux. Se présentant d’abord comme une pétition du comte-roi qui activa ses officiers locaux, l’affaire, à force de contestations, finit par être portée devant les instances supérieures de l’administration du comté pour se solder par l’intervention d’un juriste spécialement mandaté. L’objectif de cette communication est de montrer, à travers les documents qui permettent de suivre cette longue procédure judiciaire, comment, graduellement, un espace relativement mouvant défini par un ensemble de droits banaux put se concevoir comme un territoire, dont l’émergence venait résoudre des conflits latents entre les différents pouvoirs impliqués dans l’affaire. D’abord, il s’agira de souligner combien cette territorialisation par cristallisation est le résultat de l’affirmation des intérêts paradoxalement solidaires de la municipalité de la ville basse de Marseille (gain d’autonomie) et de sa tutelle comtale (capacité à catégoriser et hiérarchiser les pouvoirs subalternes), la première jouant des actes entérinant sa soumission à la seconde pour faire valoir une marge de manœuvre plus large et suscitant l’intervention de l’administration comtale pour statuer sur les rapports de force locaux ainsi réinscrit dans les structures du comté. À ce premier processus, s’ajouta le recours croissant au droit, autant du côté de la municipalité que de sa tutelle, qui permit d’abord de formaliser la procédure, rendue de la sorte incontestable (le bornage final reposait sur l’enquête d’un légiste,) et ensuite d’en tirer les profits tout en la sanctuarisant (émission d’un nouveau statut par la municipalité à la suite du bornage final pour affirmer sa compétence sur le territorium). C’est à travers ces deux mouvements parallèles, le règlement des rapports de force par leur inscription dans l’espace et la formalisation du territorium comme objet juridique, que se joua graduellement la territorialisation, l’espace du territorium changeant de qualité, de contenu à la faveur de son investissement par des logiques politiques et juridiques. Ainsi, on montrera comment les bornages du territorium de Marseille permirent la définition d’un territoire par le jeu de deux acteurs obéissant à des logiques opposées (renforcement de la tutelle princière, élargissement de l’autonomie de la municipalité) et pourtant convergentes, par le truchement d’un personnel commun (les juristes), une définition qui fut le lieu d’une évolution des rapports de force à l’échelle locale.
Date de publication : 2023-06-21
Type de document : Communication dans un congrès
Affiliation : École nationale des chartes (ENC) ; Université Paris sciences et lettres (PSL)

Citer ce document

Les bornages du territorium de Marseille (1275-1294) : une territorialisation née de l’émergence d’un nouvel équilibre entre la tutelle comtale et l’autonomie municipale., 2023-06-21. URL : https://hal.science/hal-04338334